4                   MEMOIRES DE PiERRE DE L'ESTOILE.
la ville, en tous les quarefours et places où elles voiioient du peuple assemblé, luicrioient à haute voix : « Bonnes « nouvelles, mes amis! bonnes nouvelles! Le tyran est « mort : il n'y a plus de Henri de Valois en France. »
Puis s'en estant allées aux Cordeliers, madame de Nemoux monta sur les degrés du grand autel, et ha­rangua ce sot peuple sur la mort du tiran : monstrant en cest acte une grande immodestie et impuissance de femme, de mordre encores sur un mort. Elles firent faire aussi des feux de joie partout : tesmoignans par paroles, gestes, accoustremens dissolus, livrées et festins, la grande joie qu'elles en avoient. Ceux qui ne rioi«nt point, et qui portoient tant soit peu la face mélanco­lique, estoient réputés pour politiques et heretiques.
D'autre part, les théologiens et prédicateurs, en leurs sermons, crioient au peuple que ce bon religieux qui avoit si constamment enduré la mort pour delivrer la France de la tiranie de ce chien Henri de Valois estoit un vrai martyr; le voulant faire croire ainsi à quelques coquefredouilles et oisons embeguinés, appeloient cest assassinat et trahison detestable une œuvre grande de Dieu, un miracle, un pur exploict de sa providence : jusques à la comparer aux plus excellents misteres de son incarnation et resurrection.
C'estoit la jurisprudence des moines et prescheurs de ce temps, ausquels les parricides et les assassinats plus exécrables estoient censés des miracles et des œuvres de Dieu : dont il ne faut autres tesmoins que les écrits et libelles diffamatoires criés et publiés à Paris contre la memoire de ce pauvre prince, du nombre desquels sont -ceux qui suivent, imprimés avec privilege de"la -sainte Union, signé Senault, reveus et approuves par
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